Ce qu’une langue étrangère fait à la voix
Un souvenir reste gravé en moi. J’avais tout juste vingt ans quand mon professeur d’anglais m’a fait remarquer que ma voix changeait lorsque je pratiquais la langue de Shakespeare. Ce fut le moment d’une prise de conscience et d’un sentiment étrange : de fait, je percevais moi aussi que ma voix était différente, un peu plus aigüe et rapide en anglais que dans ma langue maternelle. Aujourd’hui, je sais que c’est un phénomène connu et assez commun. Mais j’adore remarquer encore cela et je vous invite à essayer de percevoir, ressentir, quel effet la langue française a sur votre voix quand vous la parlez.
C’est tellement étonnant ! On a l’impression de révéler des traits de personnalité nouveaux, ou du moins de leur donner un infléchissement et de…. S’amuser ! Car c’est le grand enjeu aussi quand on apprend une langue inconnue : ouvrir de nouveaux chemins en soi, des sentiers qui bifurquent et explorer un autre découpage du monde. Faire l’expérience de l’étranger et de sa propre étrangeté.
Je pousse le bouchon : je pense que nous ne sommes pas exactement la même personne quand nous parlons une autre langue que notre langue maternelle. Nous essayons d’autres possibles au cœur de notre existence. Quelle belle façon d’approfondir cette dernière ! Nous allons à la rencontre de notre Moi allemand, anglais, russe… Et nous pouvons expérimenter que ce voyage intérieur et sonore tout à la fois a des effets au long cours. Une fois rentrés au port de notre langue première, nous pouvons avoir le sentiment que les langues pratiquées persistent, comme une rémanence subtile qui infuse toute notre pratique linguistique.
Que peuvent ressentir en ces termes les étrangers qui pratiquent notre langue française ? J’aimerais bien le savoir, en discuter avec eux. J’espère que la suite me donnera l’occasion de poser cette question ! Gageons que les réponses pourront faire l’objet d’un article… !
Belle journée à tous,